Chémorécepteurs
Les chémorécepteurs, également parfois appelés chimiorécepteurs, sont des cellules sensorielles spécialisées sensibles aux molécules, qui détectent les variations chimiques dans l'organisme. Ils réagissent aux stimuli chimiques et les convertissent en impulsions électriques. Les chémorécepteurs surveillent ainsi les niveaux d'oxygène et de dioxyde de carbone, ainsi que le pH du sang ou du milieu environnant, et sont présents dans divers organes du corps humain. Les chémorécepteurs sont particulièrement importants pour la régulation de processus tels que la respiration et le maintien de l'osmolarité du sang et du liquide céphalorachidien (cérébrospinal), ainsi que pour les fonctions liées à l'odorat (olfaction) et au goût (gustation).
Cet article offre une vue d'ensemble complète de la structure et de la physiologie de tous les types de chémorécepteurs, en mettant l'accent sur la chémoréception centrale et périphérique.
| Définition | Récepteurs sensoriels spécialisés qui détectent les variations de la composition sanguine ainsi que les stimuli chimiques dans l'organisme, et convertissent ces informations en signaux électriques que le cerveau interprète. |
| Localisation |
Centraux : situés dans la moelle allongée du tronc cérébral
Périphériques : situés dans les corpuscules (glomus) carotidiens et aortiques |
| Fonction |
Centraux : détectent les changements de la PCO2 en analysant le pH du LCR Périphériques : détectent principalement les changements de la PO2 sanguine et dans une moindre mesure ceux du CO2 et du H+ |
| Autres types de chémorécepteurs |
Récepteurs olfactifs : situés dans l'épithélium nasal, ils détectent les odeurs et contribuent à la perception olfactive. Récepteurs gustatifs : situés sur la langue, les amygdales, le palais, le larynx, le pharynx et l'épiglotte, ils détectent les saveurs primaires contribuant à la perception gustative. |
- Chémorécepteurs centraux et périphériques
- Autres types de chémorécepteurs
- Adaptation
- Perte de l'odorat et du goût liée à la COVID-19
- Sources
Chémorécepteurs centraux et périphériques
Les chémorécepteurs centraux et périphériques surveillent les variations de la composition du sang et du liquide céphalorachidien (LCR) et ajustent en conséquence l'activité respiratoire afin de rétablir l'équilibre homéostatique.
Chémorécepteurs centraux
La chémoréception centrale implique la détection des variations des concentrations en dioxyde de carbone (CO2) et en ions hydrogène (H+) dans l’encéphale, ce qui influence la fréquence et l'amplitude de la respiration. Les chémorécepteurs centraux sont principalement situés dans la moelle allongée ventrale, et plus particulièrement dans le noyau rétrotrapézoïde. Ils surveillent l'acidité (pH) du liquide céphalorachidien, un bon indicateur de la concentration de dioxyde de carbone dans le sang. Bien que les ions H+ ne puissent pas traverser la barrière hémato-encéphalique, le CO2 peut facilement la traverser par diffusion et pénétrer dans le cerveau, où il réagit avec l'eau pour former de l'acide carbonique. Cet acide se décompose ensuite en ions hydrogène et en ions bicarbonate. L'augmentation de la concentration en ions H+ dans le liquide céphalorachidien active les chémorécepteurs centraux.
Lorsque la concentration en CO2 augmente, le pH diminue et les chémorécepteurs centraux envoient des signaux aux centres respiratoires pour augmenter la fréquence et l'amplitude de la respiration, excrétant ainsi davantage de dioxyde de carbone et rétablissant un pH normal. Ils fournissent une rétroaction en temps réel au centre de contrôle respiratoire du tronc cérébral. L'élévation du taux de CO2, notamment dans le sang artériel et les gaz alvéolaires, stimule ces récepteurs, ce qui entraîne une augmentation de la ventilation alvéolaire. L'hyperventilation contribue à réduire le taux de CO2 et à rétablir l'équilibre. En surveillant et en ajustant continuellement la ventilation, ces chémorécepteurs assurent une oxygénation et une élimination du dioxyde de carbone adéquates, maintenant ainsi un équilibre délicat entre métabolisme et respiration.
À l'inverse, lorsque le taux de CO2 dans le sang diminue, la concentration d'ions H+ dans le LCR diminue également, ce qui rend le LCR moins acide. Les chémorécepteurs sont alors moins stimulés et le cerveau envoie moins de signaux aux muscles respiratoires, ce qui ralentit la fréquence et l'amplitude respiratoires. En résumé, une diminution du taux de CO2 sanguin entraîne un ralentissement de la respiration, contribuant ainsi à maintenir l'équilibre des gaz du sang et garantissant une oxygénation et une élimination du CO2 optimales.
Les chémorécepteurs centraux exercent également une influence indirecte sur la fonction cardiaque en modulant la pression artérielle. Une augmentation de la fréquence respiratoire peut entraîner une légère baisse de la pression artérielle due à une réduction du volume sanguin pulmonaire. À l'inverse, en cas de détresse respiratoire sévère caractérisée par des niveaux de dioxyde de carbone significativement élevés, les chémorécepteurs centraux peuvent déclencher une augmentation réflexe de l'activité du système nerveux sympathique, entraînant une légère élévation du rythme cardiaque et de la contractilité myocardique.
Chémorécepteurs périphériques
Les chémorécepteurs périphériques sont des récepteurs situés en dehors du système nerveux central (SNC) qui agissent plus rapidement que les chémorécepteurs centraux et contribuent à la régulation de l'osmolalité sanguine.
On les trouve dans les corpuscules carotidiens, aussi appelés glomus carotidiens, bilatéralement au niveau des bifurcations des artères carotides communes, et dans les corpuscules aortiques, au niveau de la crosse aortique. Le corpuscule carotidien (CC) est composé de groupes de cellules de type I, les principaux chémorécepteurs de l'oxygène et du dioxyde de carbone, entourés de cellules de type II. Malgré sa petite taille, le CC bénéficie d'un débit sanguin exceptionnellement élevé, essentiel à sa fonction de chémorécepteur. Ce débit sanguin est régulé par l'innervation sympathique et parasympathique. Les informations provenant des corpuscules carotidiens et aortiques parviennent au cerveau respectivement par le nerf glossopharyngien et le nerf vague.
Les chémorécepteurs périphériques détectent principalement les variations du taux d'oxygène (O2) dans le sang, qui constitue le stimulus le plus puissant de ce chémorécepteur, la sensibilité aux variations de CO2 et de pH étant comparativement moindre. Une diminution de la pression partielle d'oxygène (PO2) dans le sang artériel, ou inversement une augmentation du taux de CO2, active les chémorécepteurs périphériques. L'impulsion électrique est transmise au centre respiratoire du tronc cérébral, qui ajuste la fréquence et l'amplitude de la respiration afin de rétablir l'osmolalité sanguine et le pH à des valeurs normales.
Lorsque la PO2 chute en dessous d'un certain seuil, autour de 60 mmHg (hypoxémie), les chémorécepteurs périphériques augmentent leur fréquence de décharge. Ce signal est transmis au centre de contrôle respiratoire du tronc cérébral, qui augmente alors la fréquence et l'amplitude de la ventilation pour accroître l'apport en O2 et éliminer le CO2.
Les chémorécepteurs périphériques sont principalement sensibles aux faibles taux d'oxygène. Cependant, en cas d'hyperoxie (taux d'oxygène excessivement élevé), leur activité diminue, car ils ne sont pas conçus pour réguler la respiration dans ces conditions. En cas d'hypoxie, les chémorécepteurs périphériques envoient également des signaux au centre de contrôle cardiovasculaire, ce qui augmente la fréquence cardiaque et la contractilité pour améliorer l'oxygénation des tissus. Les chémorécepteurs peuvent également provoquer une vasoconstriction dans certains vaisseaux sanguins, ce qui contribue à rediriger le flux sanguin vers des organes vitaux comme le cœur et l’encéphale.
Autres types de chémorécepteurs
Chémorécepteurs olfactifs
Les neurones sensoriels olfactifs sont situés dans la partie supérieure de chaque fosse nasale, au sein de l'épithélium olfactif. Ces neurones de premier ordre sont bipolaires : ils disposent d’un axone qui se projette vers le bulbe olfactif et d’une dendrite qui s'étend jusqu'à l'épithélium olfactif. Chaque chémorécepteur olfactif est un type de récepteur métabotropique et est associé à une protéine G sur sa face cytoplasmique. Les molécules odorantes volatiles se diffusent dans le mucus des fosses nasales et se lient aux récepteurs olfactifs situés sur la face extracellulaire des cils. Cette liaison déclenche l'activation d'un complexe protéique G intracellulaire spécifique, appelé protéine Gαolf (sous unité α de la protéine G du système olfactif), auquel le récepteur se fixe. Cette activation provoque l'ouverture des canaux sodiques à travers la membrane ciliaire, entraînant un afflux d'ions sodium dans la cellule. Les neurones transmettent alors leur signal au cortex olfactif, où le cerveau interprète l'ensemble des informations pour générer la perception des différentes odeurs détectées par l'être humain.
Chaque neurone olfactif possède un type spécifique de récepteur qui se lie à une gamme particulière de molécules odorantes. Pour qu'une substance odorante soit détectable, elle doit être partiellement hydrosoluble afin d'atteindre les cils au sein du mucus et partiellement liposoluble afin de traverser la membrane ciliaire. La voie olfactive est la seule voie sensorielle du cortex cérébral où les signaux contournent le thalamus et atteignent directement le cortex.
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Chémorécepteurs gustatifs
L'information gustative est détectée par des chémorécepteurs spécialisés situés dans les calicules gustatifs (bourgeons du goût), eux-mêmes situés sur les papilles gustatives, sur le dos de la langue, ainsi que dans l'épithélium de diverses zones telles que les piliers amygdaliens, le palais et les muqueuses du larynx, du pharynx et de l'épiglotte. Chaque bourgeon gustatif est constitué d'environ 100 cellules réceptrices du goût, et repose sur des cellules de soutien et des cellules basales régénératrices, organisées autour d'un pore gustatif central. Les cellules réceptrices du goût activent un réseau complexe de terminaisons nerveuses gustatives qui les entourent, certaines fibres pénétrant dans les replis de la membrane cellulaire. Sous la membrane plasmique, de nombreuses vésicules stockent un neurotransmetteur. Lors d'une stimulation gustative, ces vésicules libèrent le neurotransmetteur à travers la membrane cellulaire, stimulant ainsi les terminaisons nerveuses. Ces récepteurs identifient différents composés chimiques dissous dans la salive et transmettent des signaux au cortex gustatif, où ils sont interprétés comme des saveurs distinctes : sucré, salé, acide, amer et umami.
Lors de la mastication, les substances chimiques contenues dans les aliments se dissolvent dans la salive et interagissent avec les récepteurs gustatifs de la bouche, chacun étant sensible à l’une des cinq saveurs. De faibles concentrations activent des récepteurs spécifiques, tandis que des concentrations élevées peuvent en activer plusieurs.
- Acide : Les ions hydrogène (H+) pénètrent dans les cellules de type III, ce qui augmente la concentration de calcium et libère de la sérotonine qui excite les neurones.
- Salé : Les ions sodium pénètrent dans les cellules de type I, entraînant l’activation des neurones.
- Sucré : Les cellules de type II détectent le goût sucré en liant des composés organiques à leurs récepteurs couplés aux protéines G, ce qui augmente la concentration de calcium et libère de l’ATP, excitant ainsi les neurones.
- Amer : Les cellules de type II détectent également les composés amers via les protéines G, libérant de l’ATP et excitant les neurones, souvent en guise de défense contre des substances nocives.
- Umami : Les cellules de type II détectent l’umami, une saveur déclenchée par le L-glutamate, ce qui stimule la libération d’ATP et favorise la consommation d’aliments riches en protéines.
Lorsqu’une substance gustative interagit avec les cellules ciliées gustatives, elle crée un potentiel récepteur qui active les neurones sensoriels. Ces neurones transmettent des signaux via les nerfs crâniens VII, IX et X au pont et à la moelle allongée, puis au thalamus, et enfin au cortex gustatif insulaire pour interprétation. La salive élimine la substance gustative, mettant fin à la sensation. Les différentes saveurs nécessitent des concentrations variables pour être perçues. Par exemple, l’acide requiert 0,0009 M d’HCl, le salé et le sucré environ 0,01 M, et l’amer (dû à la quinine) seulement 0,000008 M, ce qui confère au système nerveux une grande sensibilité à l’amertume, un mécanisme de défense contre les toxines.
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Adaptation
L'adaptation permet au système sensoriel de maintenir sa sensibilité aux variations des stimuli tout en filtrant les signaux de fond constants. Les récepteurs olfactifs s'adaptent à hauteur d’environ 50 % dès la première seconde de stimulation, l'adaptation ultérieure étant minime. Cependant, l'expérience montre que les sensations olfactives disparaissent presque complètement en une minute dans les environnements fortement odorants, ce qui suggère une adaptation supplémentaire au niveau du système nerveux central. Cette adaptation implique probablement une inhibition par rétroaction, où les fibres nerveuses centrifuges issues du cerveau inhibent la transmission du signal olfactif à travers le bulbe olfactif via des cellules inhibitrices spécialisées. Concernant le goût, lors de la détection, l'activité des cellules nerveuses connaît un pic momentané avant de se stabiliser à un niveau inférieur tant que le goût persiste. Malgré une adaptation rapide, seule la moitié environ de cette adaptation est attribuable à l'ajustement des papilles gustatives ; le reste se produit probablement au niveau du système nerveux central, indépendamment des autres mécanismes d'adaptation sensorielle.
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Perte de l'odorat et du goût liée à la COVID-19
Parmi les symptômes les plus fréquents durant la pandémie de COVID-19 figuraient les troubles olfactifs et gustatifs. Les personnes présentant une perte de l'odorat (anosmie) ou du goût (agueusie) avaient 17 fois plus de risques d'être testées positives à la COVID-19 que celles ne présentant pas ces symptômes. D’un point de vue clinique, la plupart des pertes de goût étaient en réalité liées à des troubles olfactifs. Lors de la mastication et de la déglutition, les composés volatils des aliments et des boissons atteignent les récepteurs olfactifs via le nasopharynx, provoquant des sensations souvent confondues avec le goût. En cas d'infection par le SARS-CoV-2, il est souvent difficile de déterminer si l'odorat, le goût, ou les deux sont affectés. Les troubles de l'odorat liés à la COVID-19 peuvent résulter de divers facteurs, tels qu'une obstruction des voies respiratoires due à l'inflammation, une modification du mucus, une diminution de l'expression des protéines réceptrices, des lésions du tissu olfactif et des altérations des structures cérébrales impliquées dans le traitement des odeurs, notamment le bulbe olfactif. L'atteinte de l'endothélium capillaire est également possible. Certaines recherches ont indiqué que les cellules basales des calicules gustatifs, responsables de la formation de nouveaux calicules, étaient affectées par le virus, ce qui entraînait la formation de calicules plus petits et déformés, présentant un nombre réduit de cellules réceptrices gustatives par rapport aux calicules sains.
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Kim Bengochea, Université Regis, Denver